- empêtrer
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• XV e; empaistrier XIIe; lat. pop. °impastoriare, lat. médiév. pastoria « entrave à bestiaux », de pastus « pâturage »1 ♦ Entraver, engager (généralt les pieds, les jambes) dans des liens, dans qqch. qui retient ou embarrasse. « comme un animal au filet que chaque soubresaut empêtre davantage » (Martin du Gard). S'empêtrer les pieds dans le tapis. « Un peu empêtrés dans leurs vêtements raides » (Camus). — Pronom. « Dans la neige et la boue il allait s'empêtrant » (Baudelaire).2 ♦ Fig. Engager dans des difficultés, dans une situation embarrassante. « rester empêtré dans le dogme » (A. Gide ). — Pronom. S'empêtrer dans des explications. ⇒ s'embarrasser; fam. s'emberlificoter, s'embrouiller. S'empêtrer dans ses mensonges. ⇒ s'enferrer, s'enfoncer. « La lourdeur des monologues où le dramaturge s'empêtre » (Henriot).♢ Embarrasser de (qqch., qqn). ⇒ encombrer. « empêtrés de cette vie dont ils ne savaient plus que faire » (Sartre). — Pronom. Il « s'était empêtré d'une femme qui lui faisait peu d'honneur » (Laclos).⊗ CONTR. Débarrasser, dégager, dépêtrer.Synonymes :- entraverEmbarrasser quelqu'un, l'engager de façon malencontreuse dans une situation pénible...Synonymes :- emberlificoter (familier)- embringuer (familier)- enfoncerempêtrerv. tr.d1./d Embarrasser par des liens, par qqch qui gêne, qui empêche les mouvements. Empêtrer ses pieds dans un filet.|| v. Pron. S'empêtrer dans son vêtement.d2./d Fig. Mettre dans des difficultés, dans une situation compliquée ou fâcheuse. On l'a empêtré dans une affaire véreuse.|| v. Pron. S'empêtrer dans ses contradictions.⇒EMPÊTRER, verbe trans.A.— Vieilli ou région. (Ouest). Lier les pieds d'un animal par une entrave, pour limiter ses mouvements. Synon. usuel entraver. Empêtrer un cheval pour le mettre en pâture (Lar. 19e-Lar. encyclop.).— P. ext., emploi pronom., usuel. S'empêtrer dans♦ [Le suj. désigne un animal ou une pers.] Se prendre les pieds ou les pattes dans un lien, un obstacle. Ce cheval s'est empêtré dans ses traits (Ac. 1798-1932). Fil de fer barbelé dans lequel le chien s'empêtre et se blesse (GIDE, Journal, 1933, p. 1150). Les trois premiers [officiers] s'empêtrèrent dans les décors [de la scène] (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 290) :• Il [M. Thibault] essaya de se débattre; par bonheur, ses bras et ses jambes s'empêtraient dans les plis du drap, et tous ses mouvements se trouvaient paralysés!MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Mort du père, 1929, p. 1283.— P. anal. [L'obj. désigne une pers. ou un inanimé concr.] Engager dans un lieu d'où l'on ne peut sortir que difficilement. Synon. embarrasser. Des champs de labour, où elle [Emma] enfonçait, trébuchait et empêtrait ses bottines minces (FLAUB., Mme Bovary, t. 1, 1857, p. 187).B.— Au fig. Engager quelqu'un dans une situation difficile ou inextricable. Empêtrer qqn dans une mauvaise affaire (Ac. 1798-1932).— Souvent en emploi pronom. S'empêtrer dans, de. Il [le marquis] s'empêtrait en ses compliments et ne faisait que balbutier (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 450). Les « impedimenta » domestiques dont il s'empêtrait (ROLLAND, Beeth., t. 1, 1937, p. 36).♦ Emploi abs. Il (...) la prenait par son récit même pour lui montrer avec une mine candide qu'elle se contredisait. Si bien qu'elle balbutiait, s'empêtrait (POURRAT, Gaspard, 1931, p. 160).Rem. On rencontre ds la docum. empêtreau, subst. masc. Obstacle dans lequel on peut s'empêtrer. Fais attention, sacré empêtreau! Pour un peu nous allions t'écraser (GENEVOIX, Rroû, 1931, p. 51).Prononc. et Orth. :[] ou, p. harmonis. vocalique et malgré l'infl. de l'accent circonflexe, []; (j')empêtre []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1175 fig. « mettre (quelqu'un) dans l'embarras » (BENOIT DE STE-MAURE, Ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 4760); 2. 1316-28 « mettre des entraves à un animal, l'attacher » (Ovide moralisé, éd. C. de Boer, I, 3545). Du lat. vulg. impastoriare « mettre une entrave », dér. de [chorda] pastoria « corde qui retient un cheval broutant » (643 ds NIERM.), lui-même dér. de pastus « paturage ». Il existait, d'autre part, en a. fr. et m. fr. un verbe empasturer distinct de celui-là (ca 1200 Aiol, 5447 ds T.-L.), v. paturon. Fréq. abs. littér. :216. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 78, b) 269; XXe s. : a) 345, b) 467.DÉR. Empêtrement, subst. masc., rare. Ce qui empêtre. a) [Correspond à empêtrer A] Synon. encombrement. Tant de retours semblables, depuis trois hivers, dans l'empêtrement des toilettes (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 22). b) Au fig. [Correspond à empêtrer B] Synon. gêne, contrainte. Quand on aime trop le style (...) quel empêtrement! (FLAUB., Corresp., 1853, p. 382). — []. — 1res attest. 1242 « entrave, empêchement » (Arch. Maine-et-Loire, Fontevr., La Roch., fen. 3, sac. 13 ds GDF.); — 1611, COTGR. repris au XIXe s.; du rad. de empêtrer, suff. -ment1. — Fréq. abs. littér. : 2.BBG. — GOTTSCH. Redens. 1930, p. 260.empêtrer [ɑ̃petʀe] v. tr.ÉTYM. XVe; empaistrier, XIIe; du lat. pop. impastoriare, du bas lat. pastoria « entrave à bestiaux », du lat. class. pastus « pâturage ».❖1 Vx ou régional. Entraver (un cheval) que l'on met en pâture. || Empêtrer un cheval.2 Mod. (Techn.). Engager (généralement les pieds, les jambes) dans des entraves, des liens, un filet, dans quelque chose qui retient, embarrasse. — Cour. || S'empêtrer les jambes dans les ronciers.1 (Sa toison) Était d'une épaisseur extrême (…)Elle empêtra si bien les serres du corbeauQue le pauvre animal ne put faire retraite.La Fontaine, Fables, II, 16.2 Il secoua les épaules, comme un animal au filet, que chaque soubresaut empêtre davantage.Martin du Gard, les Thibault, t. IV, p. 151.♦ Par analogie :3 Puis elle prenait à travers des champs en labour, où elle enfonçait, trébuchait et empêtrait ses bottines minces.Flaubert, Mme Bovary, II, IX, p. 107.3 Fig. Engager (qqn) dans une difficulté, dans une situation embarrassante. ⇒ Compromettre, embarrasser, gêner. || Il m'a empêtré dans une méchante affaire. || Vous m'avez empêtré d'un propre à rien; je préférerais travailler seul.——————s'empêtrer v. pron.1 Se prendre dans un lien, un obstacle. || Cheval qui s'empêtre dans ses traits. || L'oiseau s'est empêtré dans un filet. — Par ext. S'engager dans un lieu d'où l'on ne peut se sortir qu'à grand-peine. || S'empêtrer dans la boue; dans la neige. ⇒ Embourber (s'), patauger.4 Dans la neige et la boue il allait s'empêtrant (…)Baudelaire, les Fleurs du mal, Tableaux parisiens, XC, « Les sept vieillards ».2 Fig. S'engager dans une situation difficile. || S'empêtrer dans une liaison. || S'empêtrer dans un discours, dans des explications. ⇒ Embarrasser (s'); et aussi (fam.) emberlificoter (s'), embrouiller (s'). || S'empêtrer dans ses souvenirs. || Il s'empêtre dans ses mensonges. ⇒ Enferrer (s').5 L'amant est une bête, et bête qui s'empêtreDans les liens d'amour (…)Ronsard, le Second Livre des amours, I, XVIII.6 (…) le Cromwell de Balzac est beaucoup moins mauvais qu'on ne l'assurait de confiance, et malgré ses longueurs, qui tiennent à la lourdeur des monologues où le dramaturge s'empêtre, témoigne par instant de réelles qualités dramatiques.Émile Henriot, les Romantiques, p. 317.♦ Absolt. S'embarrasser.7 Or, plus je m'en défie (de ma mémoire), plus elle se trouble (…) car, si je la presse, elle s'étonne; et, depuis qu'elle a commencé à chanceler, plus je la sonde, plus elle s'empêtre et (s') embarrasse (…)Montaigne, Essais, II, XVII.8 Un homme de ma connaissance s'était empêtré comme vous, d'une femme qui lui faisait peu d'honneur. Il avait bien, par intervalle, le bon esprit de sentir que, tôt ou tard, cette aventure lui ferait tort; mais quoiqu'il en rougît il n'avait pas le courage de rompre. Son embarras était d'autant plus grand (…)Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre CXLI.——————empêtré, ée p. p. adj.1 Qui est pris dans des liens, dans un obstacle. || Cheval empêtré. || Clown empêtré dans une longue redingote.9 C'étaient d'abord des familles allant en promenade, deux petits garçons en costume marin, la culotte au-dessous du genou, un peu empêtrés dans leurs vêtements raides (…)Camus, l'Étranger, II, p. 35.♦ Absolument :10 Quel gros chignon !Et ces souliers tout blancs, ça doit vous coûter bon;Pas moins, vous devez bien être un brin empêtrée.A. de Musset, Comédies et proverbes, Louison, I, 4.2 Fig. || Empêtré de… ⇒ Encombré, gêné.11 Je vois un dessous de cartes funeste; je vois encore l'embarras de son fils, déchiré d'amitié, de reconnaissance pour sa mère (…) empêtré d'une jeune femme (…)Mme de Sévigné, Lettres, 817, 9 juin 1680.12 (…) il était empêtré de ses grandes mains et de sa dignité d'inspecteur.Saint-Exupéry, Vol de nuit, p. 44.13 Tous ces hommes s'étaient fait violence pour partir les yeux secs, tous avaient soudain vu la mort en face et tous, après beaucoup d'embarras ou modestement, s'étaient déterminés à mourir. À présent ils restaient hébétés, les bras ballants, empêtrés de cette vie qui avait reflué sur eux, qu'on leur laissait encore pour un moment, pour un petit moment et dont ils ne savaient plus que faire.Sartre, le Sursis, p. 348.13.1 La vie amoureuse de Félix, notamment, plongeait ces jeunes gens dans une joie constante. On le savait très salace, mais en même temps, gêné avec les femmes, empêtré de gaucherie.Jean-Louis Curtis, le Roseau pensant, p. 21.♦ Empêtré dans… : embarrassé, enfoncé dans… || Empêtré dans des paquets.14 (…) on est quelquefois empêtré dans son orgueil (…)Mme de Sévigné, 832, 17 juil. 1680.15 Lorsque la guerre éclata en 1866 entre la Prusse et l'Autriche soutenue par les États de l'Allemagne du Sud, Napoléon III était empêtré dans une aventure d'Amérique.J. Bainville, Hist. de France, XX, p. 496.16 (…) nous voyons, exemplairement, comment un vigoureux esprit peut rester empêtré dans le dogme.Gide, Journal, 18 févr. 1943.❖CONTR. Débarrasser, dégager, dépêtrer.HOM. Empétrées.
Encyclopédie Universelle. 2012.